Théa Moreau - N'oubliez pas d'être un peu fêlé pour laisser passer la lumière.

Tout commence simplement. Comme toujours. Mais ta vie ne commence pas forcément à ta naissance. Pour bien comprendre, il faut remonter un peu en arrière. Quatre amis de fac, quatre amis partageant beaucoup de choses. Caroline Joly, Clémence d'Ormois, Martin Moreau et Antoine de Belleville. En couple deux par deux, Caroline et Martin, Clémence et Antoine, ils étaient inséparables. Une adolescence commune et le reste de leur vie aussi. Lors de l'entrée dans la vie active, les deux couples ont décidés d'aller vivre à Nice, naturellement, construisant deux maisons l'une à côté de l'autre. Toi tu es née dans la plus petite des deux, celle à droite. Plus petite car tu étais fille unique, contrairement aux de Belleville. Mais ce petit cocon te plaisait. De plus, tu n'as jamais été seule. Tes voisins constituant ta deuxième famille, tu faisais des allers retours incessants entre les deux maisons. Mais si tu n'as jamais été seule, c'est que juste avant toi, âgée de cinq mois de plus, il y avait Victoire. Comme vos mères plus jeunes, vous étiez inséparables.

« Un jour je me marierai avec toi Victoire ! »
« Pourquoi? »
« Parce que tu es la seule personne que j'aime plus que le chocolat. »

C'était bien simple, que ce soit à l'école ou en dehors, vous étiez toujours fichues ensemble. Il n'était pas rare qu'en pleine nuit tu quittes ta chambre par la fenêtre pour aller frapper à la sienne afin de te glisser dans son lit. C'était si facile l'enfance. Tu ne t'es jamais posée de questions existentielles comme savoir si c'était mal de faire ça, de débarquer à l'improviste. Tu le faisais parce que tu en avais envie. Simplement. Et on ne peut pas dire qu'en grandissant ça ait beaucoup changé. Tu te laissais porter par la vie, ne cherchant pas à te compliquer la tâche. Elle était bien assez compliquée comme ça.

Arrivée à l'adolescence, les emmerdes arrivèrent pourtant. Premier petit copain et ce fut la cassure avec Victoire. Et tu n'aimais pas ça. Cependant, la rouquine devenait virulente, blessante, méchante même avec toi. Et quand tu tentais de lui demander ce qu'il se passait, elle t'envoyait simplement balader. Avec le temps, tu as appris à simplement hausser les épaules face à son attitude, mais au fond de toi, chacune de ses piques t'atteignait. Tu n'avais jamais fait le rapprochement entre ton premier petit copain et ta séparation avec Victoire et pourtant, la cause était bel et bien là. Mais encore une fois, tu ne cherchas pas plus loin avançant dans ta vie de la seule manière que tu connaissais, en souriant. Prendre la vie du bon côté, toujours. Et les années passèrent comme ça, le collège laissa place au lycée et tu goûtais à des lèvres féminines. Clara, une jolie blonde avec qui tu avais pris l'habitude d'aller surfer. Tu ne t'attendais pas à ça et pourtant, c'est arrivé. Et ça t'a paru tellement naturel, que tu as recommencé. A ce moment là, il ne fut pas difficile pour toi de comprendre que tu te voyais aussi ben en couple avec une fille qu'avec un garçon.

« C'est bien de faire des expériences ma chérie. »
« Sauf que ce n'est pas une expérience maman, je m'en fous de savoir si c'est une fille ou un garçon, du moment que je l'aime. Tu comprends ? »
« Oui je comprends mais un jour il faudra bien que tu choisisses pour fonder ta famille. »
« Et bien je verrai à ce moment là mais ce sera pareil tu sais, je ne choisirai pas la personne qui partagera ma vie en fonction de son sexe. »

Elle comprenait, tout comme ton père qui lui, était plus ouvert d'esprit. Il s'en foutait, du moment que tu sois heureuse. C'était là où se situait son intérêt. Ton bonheur. Tu avais une famille soudée et aimante. C'était un pilier important, il n'y avait pas à dire.  

L'université ne fut pas un choix évident pour toi. En fait pas du tout. Alors c'est pour ça que tu décidais de partir faire le tour du monde. Ou du moins une partie du monde. L'envie de voyager, de voir ailleurs si l'herbe est plus verte. C'est tellement facile de se fondre dans la masse lorsqu'on ne connaissait personne. Et c'était ce qui te plaisait. Tu n'étais pas Théa Moreau là bas, juste une jeune fille comme une autre, curieuse et avide de découvrir de nouvelles choses. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Et tu rentrais en France. Un choix à faire et tes notes toujours excellentes t'ont ouvert beaucoup de portes. Notamment celles de la Sorbonne. Alors naturellement, ton choix se porta vers la Sorbonne. Là où tes parents se sont rencontrés, là où ils ont rencontré les parents de Victoire. Le début de tout, le commencement.

« Théa Moreau, astrophysique. »
« Très bien Mlle Moreau, voici votre emploi du temps. »

Tu récupérais la feuille de papier et te dirigeais vers la salle indiquée. Tu étais en avance, étrange venant de ta part. Mais tu t'étais levée 2 bonnes heures avant ton réveil, excitée comme une puce à l'idée de faire ta rentrée. Tu aurais du être en deuxième année de licence. Alors avec un an de retard tu aurais pu avoir du mal à te faire des amis. Mais ton côté gamin faisait surface. Et il ne fut pas compliqué pour toi de t'intégrer aux autres.

Voilà 4 ans que tu étais à la Sorbonne. Cette année avait un goût tout particulier. Ca aurait pu être pour le programme d'échange avec Cambridge. Enfin ça l'était en quelque sorte. Mais c'était plus pour Victoire. Elle avait fait ses études à Cambridge elle, vous séparant un peu plus si c'était possible jusqu'à lors. Oui, elle avait aussi rajouté la distance physique. Enfin tu l'avais fait en partant à l'aventure mais lorsque tu étais rentrée et que tes parents t'avaient informé qu'elle était partie, tu n'avais pas pu t'empêcher d'avoir mal. Mal parce que même si tu le voulais, tu ne la verrais plus comme avant. Mais bon, tu ne voulais pas t'arrêter de vivre pour ça. Surtout qu'il y a quelques mois, on t'a appris qu'elle allait revenir. Tu ne savais pas si c'était ses parents qui lui avaient imposé ce choix ou non mais c'était comme ça. Et le pire, vous deviez vivre ensemble. Vos parents ne s'étaient pas rendus compte du froid qu'il y avait entre vous. Ils pensaient que tout était comme avant. Mais non. Alors la cohabitation était compliqué oui. Voilà trois mois que c'était le cas. Tu ne savais pas comment ça finirait tout ça. Mais cette tension permanente commençait à détériorer ton moral de façon significative. Tu savais qu'un jour il faudrait crever l'abcès, mais tu ne voulais pas arriver à un point de non retour avec elle. Alors tu gardais ta bonne humeur face à elle, l'agaçant certainement en même temps. Mais au moins, tu évitais toute dispute, tout problème. Continuant à vivre ta vie comme tu l'entendait.